La crise de la Covid-19 a bouleversé l’économie du tourisme. Si de nouvelles tendances émergent pour les voyageurs, à l’image du slow tourism, ce sont l’ensemble des opérateurs du tourisme qui doivent s’adapter à de nouveaux modes de consommation du voyage.
Erick Morazin, Senior Vice-President Global Travel et Xavier Blanchard, Head of Specialized Insurance, tout deux travaillant chez AXA Partners, reviennent sur les deux dernières années et analysent les prochains défis à venir pour le secteur de l’assurance voyage.

Comment analysez-vous les nouvelles tendances Voyages post-Covid ? Quels ont été les plus grands apprentissages à retenir sur l’évolution du secteur ?

Erick Morazin : Le tourisme a été l’une des principales industries touchées par la récente pandémie de Covid-19, avec une baisse de revenus moyens d’activité de près de 50% pour le secteur au cours des 18 derniers mois, affectant plus de 150 millions d’emplois dans le monde. Nos partenaires et les destinations commencent tout juste à se remettre de cette crise sans précédent. Ils sont aidés en cela par une forte demande des clients qui souhaitent de nouveau voyager après plusieurs mois de confinement dans leur pays.

Pour l’instant, les destinations privilégiées par les voyageurs restent les pays de proximité et les voyages domestiques, en attendant l’ouverture plus globale des frontières. Ce sont les compagnies aériennes, les pays ou encore les hébergements qui ont su le mieux communiquer sur leur sûreté et les mesures de sécurité sanitaire qui sont privilégiés par les voyageurs. Citons par exemple Dubai, dont les hôtels ont atteint plus de 90% de remplissage dès lors que les frontières se sont ouvertes.

De nouveaux modes de consommation sont également apparus et certains secteurs ont bénéficié d’un regain d’intérêt, comme par exemple les hébergements locatifs ou le camping-car. C’est un peu comme si les voyageurs voulaient s’isoler tout en étant en voyage et recréer une « bulle sanitaire » lors de leur séjour en dehors de leur domicile.

De nouvelles formes de tourisme vont perdurer et s’amplifier. Parmi les nouvelles tendances, je pense au “workation”, cette nouvelle façon de travailler tout en étant en voyage, encouragée par l’essor du télétravail, ou encore le “slow tourism” qui consiste à partir plus longtemps en voyage plutôt que de multiplier plusieurs séjours de courte durée.

Ces nouvelles tendances ont de nombreux avantages : elles permettent de réduire la consommation de masse, d’amplifier la découverte des territoires et de développer un tourisme vert, respectueux des populations locales, de la nature et du climat. Je crois beaucoup à cette nouvelle consommation du voyage. Du côté des opérateurs, ceux-ci s’organisent pour mieux répondre à ces nouveaux besoins..

Le tourisme va devenir plus responsable et les producteurs s’adaptent à cette nouvelle demande.

Erick Morazin, Senior Vice-President Global Travel chez AXA Partners

Xavier Blanchard : De mon côté, je relèverai simplement la généralisation du « last minute » : devant l’incertitude, la planification est difficile, le voyage est pris au dernier moment, et son assurance aussi. Le mouvement est sans précédent, et force tous les acteurs à inventer une flexibilité nouvelle. La tarification des changements sur le voyage reviendra sans doute, mais peut-être pas de façon généralisée, et chacun, nous garderons sans doute une preference pour les voyagistes les plus flexibles.

Comment les attentes de vos partenaires et de leurs clients ont-elles évolué dans ce contexte ?

EM : Le contexte sanitaire des derniers 18 mois a profondément modifié les besoins des voyageurs. La sécurité sanitaire, la sûreté du voyageur et de sa famille sont devenues des préoccupations essentielles. Les touristes veulent être protégés et nos partenaires l’ont bien compris.

Dès le mois de juin 2020, quelques semaines après le début de la crise et à l’approche de la fin du premier confinement en Europe, Lufthansa, TUI (le premier tour-opérateur européen), Etihad, Ethiopian Airlines, Cathay Pacific et d’autres opérateurs nous ont demandé de construire des produits d’assurance voyage et d’assistance pour les intégrer à leurs services. Chez AXA Partners, nous avions déjà une bonne connaissance de ces modes de distribution, grâce à notre expérience dans le domaine des cartes bancaires, notamment. Nous avons donc été pionniers dans le lancement de ces nouveaux produits. Nous venons également de signer un partenariat de longue durée avec Etihad pour offrir à leurs passagers (cette fois-ci en option) des produits d’assurance voyage personnalisés selon le profil du voyageur.

XB : La qualité de nos partenariats s’est renforcée au début de l’épidémie, lorsque nous avons défini nos règles de couverture. Nous devions nous assurer, avec nos partenaires, que tous nos clients étaient parfaitement informés. L’ensemble de l’entreprise s’est mobilisé pour mettre à disposition de nos partenaires des outils adaptés à cette communication de masse. D’une démarche de négociation tarifaire, nous sommes passés à une vraie compréhension mutuelle des risques, à la définition d’une stratégie commune.

Xavier Blanchard

Head of Specialized Insurance chez AXA Partners

Ensemble, nous sommes appelés à garantir la pleine satisfaction des voyageurs ! Il s’agit d’une évolution de long terme, qui doit se poursuivre et s’amplifier.

Quels sont les grands défis du secteur de l'assurance voyage ?

XB : La pandémie est une véritable période d’apprentissage pour l’industrie de l’assurance, au-delà de l’aspect financier. Le premier enjeu se situe sur le plan de la clarté des engagements, ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas, et la lisibilité par le client final. Pour un assureur international, la cohérence des positions est essentielle à la crédibilité, et la pandémie a mis cette cohérence a l’épreuve, parfois de façon très visible. Dans notre domaine de l’assurance voyage, la position que nous avons prise et communiquée aux premiers jours de la pandémie était simple et source d’alignement avec nos partenaires et les voyageurs, pour éviter les incompréhensions.

Le deuxième enjeu est de l’ordre de notre assistance aux voyageurs, et aux conditions très particulières dans lesquelles nous l’exerçons : notre capacité à porter secours aux voyageurs. Les restrictions de voyage, les conditions liées aux voyages, la saturation des réseaux médicaux locaux, sont des conditions qui pourraient se prolonger en 2022, même au-delà, et qui créent une demande nouvelle. Il faut aller en amont du voyage, pour aider à s’orienter, planifier et proposer plus d’interactivité durant le voyage. Ce sont de nouvelles attentes, une complexité nouvelle, et les assureurs qui ont le contrôle de leurs activités opérationnelles d’assistance s’en trouvent renforcés. 

La troisième tendance qui se dessine, et j’aurais pu commencer par celle-ci, est celle de l’opportunité : la raison d’être de l’assurance voyage n’a jamais été aussi claire qu’aujourd’hui. Et la signature, la clarté des engagements, l’expérience client proposée vont faire la différence des gagnants de ce mouvement. Nous sommes sans doute à l’aube d’une période de très grandes opportunités pour les assureurs qui sauront être au rendez-vous.

EM : Le marché de l’assurance voyage, qui est une niche d’environ 18 à 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial, a subi des bouleversements au cours des derniers mois. En effet, un certain nombre d’assureurs locaux ou régionaux, qui étaient actifs sur certains marchés depuis de nombreuses années, ont décidé de suspendre leurs activités dans le domaine de l’assurance voyage. Notre métier est très particulier, il repose sur la fourniture de services très spécifiques (assistance médicale, rapatriement sanitaire partout dans le monde…), sur une présence géographique globale (nos partenaires souhaitent un seul fournisseur pour l’ensemble des pays où ils sont présents) et sur un risque particulier avec des sinistres de faible sévérité mais a fortes fréquences (nous l’avons encore vu au cours de la crise de la Covid-19).

woman on bridge in sky

Quelles sont les grandes tendances que vous voyez pour les 3 prochaines années ?

EM: Le tourisme s’est toujours remis des crises. Les opérateurs et les destinations se sont adaptés, ont rapidement communiqué sur les mesures prises pour en combattre les effets. Les voyageurs vont continuer à se protéger en privilégiant les modes de transport et d’hébergement qui leur semblent les plus sécurisants. Surtout, ils vont surconsommer des produits d’assurance voyage et d’assistance (ce que nous observons déjà) pour se protéger ainsi que leur famille en cas de problème pendant leurs séjours. Les opérateurs du tourisme (transporteurs, tour-opérateurs, distributeurs, hébergements…) vont adopter une communication rassurante pour convaincre les clients de repartir en voyage.

Je pense qu’il faudra donc attendre 2023 voire 2024 pour que le monde retrouve pleinement son activité de 2019 et surtout pour que le tourisme retrouve ses volumes et ses niveaux de croissance passés. Toutefois, nous voyons en ce moment (et depuis plusieurs mois) une certaine reprise des voyages avec une très forte croissance de la vente d’assurance voyage. Cette tendance devrait, à mon avis, être durable et continuer à porter nos activités pour les 5 ou 6 prochaines années. En effet, la pandémie de la Covid-19 n’est pas terminée (nous le voyons en ce moment avec un nouveau variant) et le besoin de protection va rester très fort chez les voyageurs, et ce pour longtemps.

Erick Morazin

Senior Vice-President Global Travel chez AXA Partners

Les destinations vont fortement investir au cours des prochains mois pour vanter les mérites de leurs régions et sites touristiques, en privilégiant certainement un tourisme plus responsable.

A propos d'Augmented Experience.Travel

La plate-forme AugmentedExperience.Travel est une base essentielle de connaissance du marché du voyage, des besoins des opérateurs et de leurs clients.
Levier d’innovation, AugmentedExperience.Travel nous permet d’adapter constamment nos produits et services aux nouvelles demandes des voyageurs. Elle contient également un socle de garanties essentielles, couvrant par exemple le refus d’embarquement, les périodes de quarantaine, les départs manqués ou les prolongations de séjour qui restent des demandes incontournables des touristes en ce moment. Il en est de même pour l’assistance médicale et non médicale dans le cas où un voyageur contracterait par exemple la Covid-19.

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